"Les recettes du bonheur": un pur plaisir des sens
Synopsis à ma façon :
La famille indienne Kadam fuit son pays après un soulèvement politique qui a entraîné un drame familial. Après s'être installée quelques temps en Angleterre, toute la famille part "s'installer en Europe" pour y ouvrir un restaurant, l'un des fils étant un chef très réputé en Inde. Passant de pays en pays, ils finissent par échouer à Saint-Antonin-Noble-Val, en France. Le père de famille (appelé Papa par sa famille ... et vous verrez qui d'autre !) décide d'y installer un restaurant indien, face à un restaurant traditionnel français étoilé, à la consternation de toute sa famille, de la propriétaire et des villageois ...
Mon avis :
Une petite merveille ! Sur un thème très simple, Lasse Hallström a réussi un petit bijou de pureté, de fraîcheur et d'humour. L'intégration est ici traitée avec humour et finesse. Sur ce thème, nous avons subi le très indigeste "Qu'est-ce qu'on a pu faire au bon Dieu ?" qui malgré son succès, ne faisait que véhiculer des a priori raciaux, la seule chose qu'on pouvait en retenir étant que tous les hommes sont racistes !
Rien à voir ici : la différence des cultures est abordée à travers le prisme de la cuisine. Face à la cuisine traditionnelle française, le jeune Hassan (Manish Dayal) propose sa cuisine traditionnelle indienne. Suite à sa rencontre avec la jeune sous-chef (Charlotte Le Bon) de sa rivale, la très stricte et raide Madame Mallory (Helen Mirren), Hassan décide d'apprendre la cuisine française et de la méler à sa propre cuisine... C'est ainsi qu'il réinvente des recettes séculaires, en y apportant sa touche d'épices, de fleurs et de couleurs.
"L'intégration" se fait dans tous les sens : cette famille a le désir de s'installer en France pour y vivre, sans perdre sa culture, en la partageant. Du coup, les habitants de ce petit village découvrent qu'eux-même doivent accepter d'ouvrir leurs portes et leurs coeurs à ces personnes qui n'ont aucune intention de repartir. Quand certains d'entre eux finissent par manifester leur rejet de manière écoeurante, Madame Mallory sort de sa froideur (dans une scène d'une intensité remarquable, presque sans mot) pour refuser leur comportement : elle découvre alors tous les sentiments qu'elle avait cachés en elle, depuis des années, et se met à s'ouvrir aux autres et à la vie. Cet enrichissement mutuel, qui passe par les sens, est très inhabituelle au cinéma.
On en prend plein les yeux : les aliments sont filmés avec un soin inouï, les étals de marchés (français ou indiens), deviennent de véritables tableaux vivants. Chaque plat est un régal qu'on ne peut hélas pas goûter... et le seul regret que nous avons eu en sortant, est de ne pas avoir pu bénéficier d'une séance avec repas indien !
Le film est d'une émotion intense, qui surprend à chaque fois tant l'humour est présent. Les dialogues sont vifs, bien écrits, les acteurs visiblement s'en donnent à coeur joie. Certaines scènes sont d'une drôlerie irrésistible : on peut citer le passage à la douane, où chaque membre de la famille explique ses motivations à l'installation en Europe ; la lutte sans merci que se livrent "Papa" (Om Puri) et Madame Mallory auprès d'un maire uniquement intéressé par son estomac (Michel Blanc, excellent, pour une fois dans la retenue)...
J'ai découvert avec surprise que la critique avait boudé ce film. Mais heureusement le public l'a adoré ! Leurs critères ne sont sûrement pas les mêmes. Si l'on s'en tient au pur plaisir et à l'émotion simple que l'on ressent devant ce film, le public a raison ! Sur mes conseils, vous passerez un très bon moment... et je suis sûre que vous fouillerez ensuite vos livres de cuisine pour tenter quelques recettes "exotiques" !
Quelques informations :
Juliet Blake, la productrice, a découvert le livre écrit par Richard C. Morais en 2009, ( Le voyage des cent pas). Elle décide alors d’en faire un film : "Je suis tombée amoureuse de l’histoire, de son cadre magnifique et de sa thématique : comment la nourriture peut rassembler les gens. (…) J’ai adoré le contraste entre les deux restaurants : le français, très propre sur lui, et l’indien, vivant et chaleureux. Dans le premier, on joue du Mozart ; dans le second, de la musique de Bollywood bruyante : c’est un choc des cultures vraiment épique. Le roman m’a vraiment interpellée car il traite de sujets fondamentaux : le racisme, l’intégration et la capacité d’évoluer, ce qui est le vécu de tout immigrant.
Sur cette page Facebook (cliquez ici), vous trouverez des informations sur le film, des photos mais aussi des recettes !
Film réalisé en 2014 par Lasse Hallström, qui a réalisé entre autres : "Une vie inachevée", "Le chocolat", "L'oeuvre de Dieu, la part du diable". En plus de Juliet Blake, les producteurs sont ... Steven Spielberg et Oprah Winfrey !
On les a déjà vus quelque part :
Helen Mirren : Elle a une filmographie impressionnante ! On peut citer : "Hitchcock", "Jeux de pouvoir", "The queen", "Soleil de nuit".
Om Puri a joué dans "La cité de la joie", "La guerre selon Charlie Wilson", "Fish and Chips 2", et bien sûr dans de nombreux films indiens.
Manish Dayal : ah, ah ... Et c'est là qu'on teste les limites de sa culture cinématographique, ainsi que ses propres a priori parce que cet acteur est... américain, né aux Etats-Unis ! Il a joué quelques épisodes dans plusieurs séries : l'excellent "The good wife" dont je vous ai déjà parlé, "90210 Beverly Hills : nouvelle génération", "Les experts", mais aussi dans le film "L'apprenti sorcier".
Charlotte Le Bon a été dans un premier temps mannequin (pub Si Lolita), puis Miss Météo pour Le Grand Journal de Canal +. On l'a vue dans "La stratégie de la poussette" et "L'écume des jours".