Rien ne t'appartient
J'ai lu récemment ce court roman de Nathacha Appanah. Il m'a fallu du temps pour trouver les mots pour en parler.
Résumé à ma façon :
Tara vient de perdre son mari. Enfermée dans sa douleur, elle ne parvient plus à communiquer, même pas avec son beau-fils qui tente maladroitement de l'atteindre. Tara vient de loin, d'un pays dévasté dont son mari médecin humanitaire l'a ramenée. Leur amour l'a éveillée à la vie, sa mort à lui la transporte loin en arrière...
Mon avis :
Ce roman bouleversant se passe uniquement dans la tête de Tara, qui raconte peu à peu sa vie, en écho à la douleur de la perte de son mari. Cet évènement dévastateur pour toute femme amoureuse vient faire exploser la relative stabilité de la vie qu'elle s'était construite avec lui.
Le lecteur découvre peu à peu que cette femme ne s'est jamais livrée à qui que ce soit, même à son mari qu'elle a pourtant aimé de tout son coeur. Nul ne sait rien d'elle, de son passé, de ce qu'elle a vécu dans son pays d'origine.
Les images ressurgissent, guidées par ses sensations, ses souvenirs se bousculent comme les mots refoulés qu'elle n'a jamais prononcés ; les différentes phases de sa vie, avec leurs bonheurs et leurs épreuves qui paraissent insurmontables ; les différentes personnalités qu'elle a dû endosser pour simplement survivre.
On ne sait rien de ses origines, son pays n'est pas nommé, on ne fait que deviner en rassemblant des indices au fur et à mesure de son récit. Comme si même elle avait tout voulu effacer.
Pourtant sa vie si difficile pleine de traumatismes aurait pu être partagée avec son beau-fils qui ignore tout d'elle et tente pourtant de l'atteindre dans sa bulle, lui qui est aussi en deuil.
Les mots de l'écrivaine suivent le fil chaotique de sa pensée, rapides, comme le flux de pensées qui inondent Tara sans cesse et la traversent en laissant des bribes de son histoire. C'est un peu déstabilisant au début, le temps de comprendre que le récit est interne et non verbalisé.
Le thème de ce livre n'est pas tant le deuil que celui de la perte. A combien de pertes un humain peut-il survivre ? Quelle est la goutte d'eau qui fera déborder son vase de vie ? Le drame de l'un peut paraître anodin à un autre, mais la perte ne se mesure qu'à l'aune de chacun...
Il est difficile d'en raconter plus sans dévoiler la trame du récit. J'ai fini ce livre bouleversée, non seulement par la vie elle-même de Tara - clairement il fait bon vivre en France ! - mais surtout par son impossibilité à se dire qui la condamne à la solitude, malgré l'amour des siens.
Ce livre est un petit bijou, une bonne idée de cadeau pour les fêtes, même si son thème sombre paraît rebutant : la vie de Tara reste en mémoire comme celle d'une étoile filante, on ne l'oubliera pas.
Roman en 160 pages, édité chez Gallimard (16,90 €).
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